Elles sont de retour !
Et elles ne sont plus en 640 × 480...
Hé oui... Tout peut arriver !
25 janvier 2025
C'est beau... Mais pourquoi ?
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Il y a 28 ans, je vous présentais de très belles images sur la
page fractales de mon site
(avec un beau fond bariolé), mais je parlais très peu (en fait presque pas)
des mathématiques sous-jacentes et du cheminement théorique suivi pour arriver à
pouvoir produire ces merveilles. Eh bien en célébration du 10ème article
de La Revue, je vous embarque à nouveau pour un voyage touristique à
destination du plan complexe et du chaos.
Ouais donc je ne parlais pas de maths dans la rubrique maths,
et là maintenant je vais parler de maths dans une rubrique
« pas maths » ...
Tout va bien hein, en 28 ans rien n'a changé, toujours aussi débile le mec.
Bon on ne va pas vraiment parler de maths, le but n'est pas de vous assomer avec
des formules... Et puis tout les détails techniques sont déjà présents sur
Wikipedia (Fractale),
ça en 1997 il est sûr que ça n'existait pas.
Ce que je vais plutôt tenter de faire, c'est de vous expliquer comment on en est
venu à l'ensemble de Mandelbrot et quel son lien avec ce qui s'appelle
la théorie du chaos. Il y a beaucoup d'incompréhension face à ce terme
de chaos, au mieux ça semble ambigü, au pire ça sonne carrément faux
avec l'idée que l'on se fait des mathématiques et des équations. Vous pouvez
trouver plein d'informations sur Wikipedia ou ailleurs, mais il est difficile
de « recoller les morceaux » en quelque sorte, pour comprendre
ce dont il s'agit exactement, et pour comprendre comment peut-on obtenir d'aussi
belles images. C'est le but de cette page, j'espère que vous y apprendrez
quelque chose.
Ah et si vous vous demandiez : oui cette page a plus ou moins le même fond bariolé
que celle d'il y a 28 ans. Je crois bien que c'est le même en fait. Enfin, j'ai
retravaillé les couleurs, pour que ce soit plus reposant à regarder. Mais si
cette page n'avait pas un touch 20ème siècle, avouez que
vous seriez déçu.
Les systèmes dynamiques
Oulà je commence par un terme barbare... Non rassurez-vous, ce n'est pas très
compliqué, on va faire simple. C'est mieux que de faire compliqué. Enfin j'espère...
Vous pouvez voir un système dynamique comme un programme réentrant. C'est
à dire que lorsque le programme sort un résultat, on réinjecte ce résultat
dans le programme, et on l'exécute à nouveau. Il va produire alors un nouveau
résultat, et ainsi de suite. On s'intéresse ensuite à ce qu'il se passe
quand on répète l'exécution du programme un grand nombre de fois,
pour étudier l'évolution du système dynamique.
En mathématiques, l'exemple le plus bête de système dynamique, ce sont
les suites définies par récurrence. Vous savez les fameuses
xn+1 = f (xn) qui vous
donnaient des boutons en fin de collège... Bon en réalité, ce n'est
pas un exemple si bête que ça, car cela suffit à produire des fractales.
Mais nous verrons cela plus tard. ;)
La théorie des systèmes dynamiques permet d'appliquer un modèle mathématique à
beaucoup de phénomènes naturels, avec parfois (souvent) des équations beaucoup
plus compliquées. Le cas d'application le plus fameux, c'est la météo.
Le chaos en mathématiques... Sérieusement ?
Quand on entend le terme de chaos, on s'imagine immédiatement que
c'est le bordayl, qu'il
se produit des trucs insensés, et qu'on ne comprend plus rien.
Comme par exemple « la politique c'est le chaos » (souvent vrai... Mais
le chaos ce n'est pas tout à fait la même chose que la pagaille), ou
encore « le trafic dans cette ville, mais quel chaos ! » (Là on est plus
proche de la notion mathématique.)
« Euh attends mais les mathématiques ce n'est pas justement bien rangé toussa ?
Ce ne sont pas les grecs qui pensaient que les mathématiques apportaient
l'ordre et la perfection dans un monde qui leur paraissait si désordonné ?
Tu évoquais des programmes juste avant,
à quel moment un programme peut-il produire un machin improbable et
incompréhensible qui va ressembler au code des impôts ? Si mon programme manipule
des nombres, que je commence avec un nombre donné, il va toujours me sortir
la même séquence de nombres. Même si je mets une formule archi-méga-compliquée
dans mon programme, il produira TOUJOURS la même séquence ? Non ? »
En effet. Un programme fait ce qu'on lui demande (normalement). Il est déterministe.
Comme les formules mathématiques. Des paramètres en entrée,
un résultat en sortie.
Mais alors supposons que je vous donne un programme. Je vous demande ensuite
de choisir un nombre de départ, puis d'exécuter à répétition le programme
que je vous ai donné, avec comme premier paramètre le nombre que vous avez choisi.
Mettons que vous choisissez 3 pour commencer. Vous pourriez, par exemple,
obtenir des nombres de plus en plus grands. Et d'ailleurs, ça ne vous
surprendra pas tellement que le résultat soit de plus en plus grand si, à
chaque fois que le programme a sorti un nombre, il était plus grand que le
précédent. Vous anticiperiez un résultat plus grand à chaque exécution,
presque naturellement.
Et si vous aviez choisi 2 ? Il est tout à fait possible que vous obteniez
cette fois des nombres de plus en plus proches de 0. Mais seriez-vous surpris ?
Probablement pas car si le programme vous sortait d'abord 1,302 puis ensuite
0,5903 puis après 0,0313, vous finiriez par anticiper que les nombres suivants
auront de plus en plus de zéros après la virgule.
Maintenant, si je vous demande : il se passe quoi si on commence par
2,4 ? Ou par 2,7 ? Ou par n'importe quel nombre au hasard
entre 2 et 3 ? Là vous allez me répondre :
« T'es gentil, mais si tu ne me donnes pas la formule qu'il y a dans
ton programme, je ne peux pas le savoir. »
Oui c'est bien possible. Mais sachez cela : si je vous donne la formule,
il se peut que vous ne puissiez pas mieux prédire ce qu'il va se passer,
et que cela n'ait rien à avoir avec la complexité de celle-ci. Il arrive que certains
systèmes dynamiques aient un comportement difficile à appréhender, et ce même
avec des formules très simples.
Alors là, si vous raisonnez en bon scientifique, vous allez me dire « attends
gros, je vais te faire un tableau de valeurs pour voir ce qu'il se passe avec
ta formule toute ripou. » C'est une bonne démarche, mais vous
pourriez avoir quelques surprises. Par exemple votre premier
tableau de valeurs vous fera peut-être apparaître que le point de bascule
entre les deux types de comportement (séquences de grands nombres, ou
de nombres se rapprochant de 0) est autour de 2,2. Alors vous allez essayer
2,19, puis 2,21, et ainsi de suite.
Mais là, vous découvrez alors qu'il existe un nouveau point de bascule,
comme caché, quelque part entre 2,191 et 2,192... Et puis
un autre, quelque part dans un intervalle de nombres encore plus restreint.
Puis un autre...
Pour certains systèmes dynamiques, votre recherche ne se terminerait jamais.
Vous ne cesseriez de mettre en évidence l'existence de nouveaux points de bascule,
dans des intervalles imbriqués les uns dans les autres. Vous tomberiez sur
des bizarreries incompréhensibles, sur des plages de nombres de
départ qui produisent une séquence de grands nombres, nichées au beau
milieu de bien plus grandes plages de nombres de départ qui eux,
produisent une séquence se rapprochant de 0.
Lorsque vous avez une telle imbrication infinie d'intervalles, contenant
des points où le comportement du système dynamique change, les
mathématiciens vont dire qu'il présente un comportement chaotique.
Il n'en reste pas moins déterministe, mais l'étude de son évolution ne
peut pas se résumer à une simple disjonction de cas.
Mais c'est de la théorie tout ça... Ca existe en pratique ?
Vous vous rappelez de la météo ? Il y en a d'autres : je peux vous citer l'étude
du mouvement des différents objets du système solaire, ou les déplacements des
pôles magnétiques de la Terre. Ce sont de bons exemples de phénomènes réels
chaotiques.
C'est une des raisons qui fait qu'on ne pourra jamais prévoir la météo
de manière fiable, même parfois pour le lendemain. Et ce même avec de
très gros ordinateurs. Même l'informatique quantique n'aidera pas.
Quand un changement de température de 0,002 °C à la cime d'une
montagne détermine s'il pleuvra ou non dans la vallée, c'est difficile
de prévoir quoi que ce soit. Vous pensez que j'exagère ? Même pas, et c'est
justement ce qui caractérise le chaos sur les phénomènes réels : des points
de bascule peuvent être séparés par des intervalles plus étroits que
ceux des incertitudes de mesure.
Un autre exemple, ce sont les marchés financiers.
Benoît
Mandelbrot a passé une grande partie de sa vie à les étudier, avant et après
avoir découvert les fractales. Dans l'un de ses livres (Une approche fractale
des marchés), il explique que, selon le modèle classique que l'on utilise
pour prévoir le prix des options (le fameux
Black-Scholes, si cela vous parle)
le krach
de 1987 avait une probabilité de se produire inférieure à 10-50.
Avec son style taquin, il précise que même
s'il y avait eu une séance de Bourse tous les jours depuis le Big Bang,
alors le krach de 1987 n'aurait quand même jamais dû se produire. Par suite
il encourage donc à remplacer ce modèle classique par quelque chose de plus approprié.
Un modèle chaotique, mais d'un chaos que l'on pourrait apprivoiser.
La théorie du chaos a été développée pour étudier de tels modèles.
Oui mais comment peut-on
« étudier » quelque chose dont on ne peut dresser aucune carte,
allez-vous me dire ? C'est là tout l'intérêt du formalisme apporté par
les mathématiques. Les mathématiciens cherchent un cadre général, des motifs
reconnaissables. Ils cherchent à rapprocher certains systèmes dynamiques
chaotiques d'autres, pour conclure que : « c'est le même
genre de chaos. » Grâce à cela, on peut parvenir à déterminer
si le chaos surviendra dans un système dynamique et quand, sans avoir à le tester à
répétition. Cela évite de perdre son temps avec des gros tableaux de valeurs
sa mère en cinq dimensions, pour se retrouver à la finale totalement dafuq.
La suite logistique
Je vous expliquais dans la première partie
qu'une formule simple peut
produire des systèmes chaotiques. L'exemple suivant va vous en convaincre.
On considère donc cette suite définie par récurrence (j'espère que je ne vais
pas vous rappeler trop de mauvais souvenirs...) :
x0 ∈ [0; 1] ,
xn+1 = m · xn · (1 - xn)
(0 ≤ m < 4)
Ici, m est ce qu'on appelle un paramètre, c'est à dire qu'on le
fixe au départ, et cela nous donne un système dynamique, un programme que
l'on va exécuter en boucle. On a
donc ici, en réalité, une famille de systèmes dynamiques,
indicée par un nombre réel positif m.
Le but de cette formule est de modéliser la taille d'une population
après chaque génération, et c'est d'ailleurs un biologiste
(Robert May) qui
a popularisé cette suite.
Certains des systèmes dynamiques de cette famille
sont parfaitement prévisibles. Par exemple si m est entre 0 et 1,
alors vous obtiendrez toujours des séquences de nombres qui se rapprochent de 0.
A partir d'une certaine valeur de m (environ 3,57), quasiment tous
les systèmes dynamiques que vous obtenez auront un comportement chaotique.
Je ne vais pas détailler plus avant, car
la page
Wikipédia (suite logistique) contient déjà toutes les informations. Oui je sais,
j'ai mis beaucoup
de liens vers Wikipédia sur cette page, « gnagna easy content » mais
franchement, je ne pourrais pas mieux faire pour détailler que de la
recopier, et ça serait juste du giga-réchauffé.
Vous notez que j'ai écrit précédement, quasiment tous les systèmes
dynamiques obtenus pour m > 3,57 sont chaotiques. Car il y en
a qui ne le sont pas. Il y en a même une infinité. Mais où sont-ils donc ?
L'ensemble de Mandelbrot, l'outil d'exploration du chaos
C'est cette recherche qui a amené Mandelbrot à découvrir
l'ensemble
qui porte son nom. Si vous développez algébriquement la formule
de la suite logistique, vous allez obtenir un terme en
xn2. Mandelbrot s'intéressait de
manière générale à ce que produisent les systèmes dynamiques
de nombres complexes faisant justement intervenir la
fonction carré. Les nombres complexes, ce sont des nombres à
deux dimensions avec lesquels on peut effectuer des opérations
algrébriques +
et x
qui ont les mêmes
propriétés que celles sur les nombres réels.
Mandelbrot a établi que les systèmes dynamiques
quadratiques (avec une fonction carré, et dont la suite logistique
fait partie), présentent tous un comportement similaire vis-à-vis du chaos.
Les plus simples sont ceux qui s'écrivent sous la forme
z0 = 0 ,
zn+1 = zn2 + c.
Le nombre (complexe) c est ici le paramètre de la famille
de systèmes dynamiques, il joue le même rôle que le m précédent.
Un nombre complexe pouvant se représenter par un point sur un plan muni
d'un repère, il est donc possible de tracer une figure plane qui
représente le comportement de la famille de suites (systèmes
dynamiques) suivant la valeur de c :
Le fameux ensemble de Mandelbrot.
Les paramètres c de l'axe réel (abscisses) définissent des suites logistiques
La zone noire (intérieur de l'ensemble) représente les
paramètres c qui correspondent aux suites produisant
des nombres dont le module (la distance à l'origine du repère) reste inférieur à 2.
A l'inverse, un c pris
dans l'une des parties colorées donnera une suite dont les termes ont un module
de plus en plus grand. Entre les deux se situe une frontière apparemment bien délimitée
(où se trouvent les points de bascule décrits dans la
seconde partie)
mais ce n'est en rien le cas.
Si l'on essaye de déterminer le chemin suivi par cette frontière en regardant
l'image de plus près, on n'arrivera jamais à « l'attraper. » Elle se perd
dans des circonvolutions de plus en plus complexes malgré tout l'effort
qu'on se donne pour lui mettre la main dessus. Parfois il apparaît cependant,
dans toute cette complexité, un ilôt qui a plus ou moins la même forme
que l'ensemble de départ. Il correspond à des paramètres qui redonnent
des suites non chaotiques, comme ce que j'expliquais pour certaines
suites logistiques ayant un paramètre m > 3,57.
Et c'est cela qui fait toute la beauté de ces images : la frontière
se cache sans cesse plus profondément dans des copies de l'ensemble de Mandelbrot,
imbriquées dans des copies, elles-mêmes imbriquées dans des copies, avec une
complexité croissante, jusqu'à l'infini. Car si cela cessait à un moment de
se complexifier, c'est qu'il n'y aurait pas de chaos.
En somme c'est le chaos qui nous apporte sans cesse des figures
de plus en plus surprenantes au fur et à mesure que l'on se plonge
dans l'image.
Alors, c'est beau parce que c'est la pagaille ? Non ! C'est
beau parce que c'est chaotique.
Place au spectacle !
Vous pouvez bien sûr explorer l'ensemble vous même, avec au 21ème
siècle un nombre de logiciels bien plus élevé qu'au 20ème, à l'image
du nombre respectif de dingueries des deux époques. Bon il faut reconnaître
quand même que ça va beaucoup plus vite aujourd'hui. ;)
Mais ce que je vous propose aujourd'hui, c'est de pouvoir regarder directement
en streaming (ouhhhaaaaa !) les meilleures animations de zoom dans
l'ensemble de Mandelbrot que j'ai pu trouver. Vous pourrez vous déplacer
dans le flux vidéo si votre navigateur le supporte, puis télécharger la vidéo
directement en fichier MP4 ensuite si cela vous plaît.
Et tout ça sans pub toute pourrie pour un service de VPN claqué au sol !
Et parce qu'on aime bien rigoler, je vous donne la taille des vidéos en
mygalions (my), c'est à dire en nombre de comptes d'hébergement chez
Mygale qu'il aurait fallu utiliser pour stocker la vidéo. Ouais j'invente
des unités comme ça, à mes heures perdues, c'est ma grande passion.
-
Accidental Masterpiece
(266,3 my) - La zone de zoom choisie compte parmi les plus belles
de l'ensemble de Mandelbrot - un vrai régal.
-
Cosmic Dive
(198,36 my) - Un rythme de zoom un peu plus soutenu pour celle-ci,
avec des effets de reliefs intéressants.
-
Hardest Mandelbrot Zoom in 2017
(31,93 my) - La plus légère de celles que je propose, le réalisateur
s'étant surtout attaché à faire le zoom le plus profond pour l'époque. Mais
ne pensez pas qu'elle sera moins spectaculaire pour autant. C'est sûrement
la plus colorée de toutes ! Elle valait la peine d'être incluse.
-
Mesmerising
(366,09 my) - Magnifique jeu de couleurs dans une région complexe
de l'ensemble, avec un grand nombre de structures imbriquées
-
The Endless Ocean
(426,99 my) - Préparez-vous à partir pour un autre monde. Présentant
des effets d'animation particuliers, elle en est hypnotisante. Parfait pour
projeter sur un grand écran et se relaxer. Si en plus vous aimez le bleu,
foncez.
-
Visual Symphony
(274,09 my) - Très belle alternance de la palette de couleurs, la
zone choisie étant également l'une des plus belles de l'ensemble.
Pour rappel, 1 my = 5 Mo. ;)
Note importante : toutes ces vidéos
ont un fond sonore. Si vous lisez cette page à 3 h du mat' et que
vous ne souhaitez pas réveiller vos voisins, n'oubliez donc pas de
couper le son de votre ordinateur avant de cliquer sur les liens,
ou celui de votre navigateur, juste après d'avoir cliqué sur les liens. ;-)
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